image/svg+xml Copyright : Musée des Beaux Art de Nîmes / Cliché : Florent GARDIN Musée des Beaux Arts de Nîmes Copyright : Musée des Beaux Art de Nimes/ Cliché : Florent GARDIN Description générale Suzanne et les Vieillards de Jacopo Bassano est sans nul doute le tableau le plus célèbre de la collection du musée. L’attribution n’a jamais été démentie depuis sa découverte en 1928, de surcroît il est signé en bas à droite J.B.f 1585. La scène représente l’effroi de Suzanne dont l’intimité est violée par deux vieillards vicieux qui la menacent. Gommant toute sensualité, Jacopo Bassano insiste sur le côté dramatique de cet épisode en décrivant la jeune femme digne et farouche s’écartant brusquement sur le côté pour échapper à la présence agressive des hommes qui la convoitent. Inspiré par les dernières œuvres de Titien, l’artiste traduit parfaitement le caractère angoissant et violent du récit par des ténèbres fantastiques que strient quelques rares touches de couleurs vives. Ce chef-d’œuvre de la peinture vénitienne datant de la dernière période d’activité de Jacopo Bassano évoque de façon singulière toute la dette de Greco envers Venise et annonce le luminisme de Rembrandt. La scène Suzanne et les Vieillards est un épisode biblique racontant qu'une jeune femme, Suzanne, surprise alors qu'elle prend son bain, refuse les propositions malhonnêtes de deux vieillards qui l'accusent alors d'adultère et la font condamner à mort. Mais le jeune prophète Daniel survient, prouve son innocence et fait condamner les vieillards. Lapin Dans l’iconographie religieuse, le lapin peut prendre une signification positive : un lapin blanc aux pieds de la Vierge Marie fait sans aucun doute référence à la chasteté ou à la victoire sur les passions. Les bestiaires médiévaux citent parfois une autre propriété du lapin ou du lièvre : ces animaux peuvent courir extrêmement vite en montée si bien qu’ils réussissent à échapper à échapper à leurs poursuivants. Cette caractéristique a été interprétée comme une image de l’homme qui se tourne et s’élève vers Dieu pour échapper aux tentations démoniaques. Toujours dans l’iconographie religieuse, le lapin peut avoir aussi une signification négative. Par exemple, dans certaines représentations de saint Jérôme au désert, il ferait référence aux passions et aux tentations coupables que le saint doit chercher à vaincre. Proliférant très vite, l’animal est associé à Vénus et prend en plus de la symbolique de la fécondité, celui de la luxure et de la concupiscence. Dans le tableau, l’animal pourrait symboliser l’allégorie de la concupiscence des deux hommes. Biche D’après une légende, Siegfried, héros nordique, a été allaité par une biche (mère). L’image de la biche est celle de la jeune fille survivant dans la mère et parfois celle de la virginité féminine castratrice. Dans la mythologie grecque, la biche était consacrée à Héra (Junon), déesse de l’Amour et du mariage. La biche est essentiellement symbole féminin. Elle peut jouer le rôle de mère-nourrice à l’égard des enfants innocents. Sa beauté relève de l’éclat extraordinaire de ses yeux : à son regard est souvent comparée celui d’une jeune fille. Dans le tableau, la biche représente donc l’innocence et la pureté de Suzanne face à la concupiscence des vieillards. Arbre L’arbre peut représenter celui décrit dans le récit de Daniel quand il veut démasquer le mensonge narré par les vieillards sur Suzanne entraînant sa condamnation à mort. Le premier assure qu’il s’agissait d’un lentisque et le deuxième vieillard évoque un chêne, le mensonge est ainsi dévoilé, les vieillards sont condamnés à mort et Suzanne est lavée de tout soupçon d’adultère. Flacon d'huile Posé au pied de Suzanne, cet objet peut être assimilé au flacon d’huile ou au baume décrit dans le récit. Suzanne demande dans ce dernier à ses servantes d’aller lui chercher ces objets pour pouvoir prendre son bain. Edifice Palladien L’édifice de type palladien accueille un personnage sous son porche qui illustre peut-être la servante de Suzanne allant chercher le flacon d’huile pour le bain (le flacon est posé aux pieds du personnage sous le porche et aux pieds de Suzanne). Palladio est un grand architecte vénitien contemporain de Bassano. Celui-ci a synthétisé le vocabulaire de l’architecture gréco-romaine. On distingue dans le tableau, la façade d’un palais dont le porche surmonté d’un fronton, les colonnes et les marches évoquent un temple antique. Comme exemple de ce type d'architecture on peut citer l'église d'Il Redentore à Venise. Signature La signature typique de la peinture vénitienne aux alentours de 1500 du fait des rivalités entre peintres dans la cité, ne se pratiqua plus avec Tintoret et Véronèse. Elle devenait inutile puisque le coup de pinceau signalait le talent distinctif de chaque artiste : « la douce caresse de Titien, le zigzag arrogant de Tintoret, l’élégante hésitation de Véronèse ». Toutefois dans cette œuvre, Bassano signe et indique la date afin de confirmer qu’il est bien le peintre. Ce n’est qu’en 1965, lors d’une restauration, que la signature est trouvée et atteste que le peintre est bien Jacopo Bassano. En effet avant sa découverte par l’analyse du tableau, les spécialistes ne pensaient pas que l’œuvre pouvait être si tardive car en 1581, Francesco Bassano, fils de Jacopo, écrit que son père ne peut plus peindre "à cause de sa vue et de son âge avancé". La représentation Le cycle de Suzanne se développe à partir du IVème siècle et comprend : le conciliabule des deux vieillards, l’accusation de Suzanne, la condamnation des vieillards, Suzanne innocentée par Daniel, un vieillard avant son exécution. Le principal épisode est : Suzanne au bain. Ce dernier, traité avec pudeur et retenue, est interprété symboliquement dans l’art paléochrétien et médiéval. A la Renaissance, cette scène, tout comme celle de certains martyrs ou épisodes bibliques, servait de prétexte aux artistes pour peindre de beaux nus. La touche A la Renaissance italienne, deux écoles aux méthodes différentes s’affrontent : Florence et Venise. A Florence, les artistes se concentrent principalement sur le croquis afin de le préparer à la perfection. Cette technique est appelée disegno. Les artistes travaillent d’abord sur des papiers séparés pour parfaire leurs croquis avant de les reproduire sur la toile. Le croquis est vital et le dessin est l’élément le plus important pour atteindre la perfection. Pour les Vénitiens, au contraire, la couleur et son application sont le plus important. Le colorito en italien est un verbe qui signifie le processus de peindre, l’application de la couleur. Les artistes dessinent directement sur la toile avec du charbon et ajoutent la couleur sans utiliser le complexe procédé du dessin florentin. Les Vénitiens pensent que la couleur est le meilleur moyen de représenter tous les aspects de la nature. La peinture nocturne Dans la dernière partie de sa carrière, Bassano conçoit ses compositions en commençant par la couleur et par les d’éclairages. Le décor nocturne, avec la redécouverte du paysage, constituera la nouveauté qui lui permettra d’exalter les valeurs chromatiques et luministes et d’obtenir des effets très suggestifs. La représentation des effets nocturnes devient peu à peu le sujet d’expérimentation et de recherches de Bassano, qui en arrive même à recourir à des procédés techniques inusités, tels les supports d’ardoise et l’utilisation de l’or pour le rendu des éclairages. Ce tableau porte à ses ultimes conséquences la négation d’un espace ordonné par la diminution de l’intensité lumineuse, comme on l’avait fait jusqu’alors. La tombée de la nuit, qui enveloppe dans l’obscurité l’architecture et rend le paysage indistinct. A l’opposé des couleurs vives des derniers tableaux de Titien, ou des couleurs plus sombres et terreuses de Tintoret, Bassano continue à refuser l’effet d’effritement monochrome des formes et à rehausser les couleurs à coups de pinceau lourds, gorgés de lumière. Les gestes de Suzanne et des vieillards importuns sont rapides et soudains, ils apparaissent comme des lueurs, des visions oniriques, prêtes à se dissoudre dans l’ombre, tel le vieillard du second plan ou la biche et le lapin surgissant de façon fantasmatique. Peinture de Jacopo DAL PONTE, dit BASSANO (Bassano del Grappa 1510 - 1592) Suzanne et les Vieillards,1585